La méthode des éclipses des satellites de Jupiter

  • Gallilée a découvert les quatre plus gros satellites de Jupiter, mais a aussi observé leurs éclipses, c'est à dire l'entrée du satellite dans le cône d'ombre de Jupiter (figure 1). Gallilée avait des moyens d'observation très faibles, et c'est donc un phénomène facile à observer, par exemple avec une bonne paire de jumelles.
  • La mesure des longitudes est un des grands problèmes de la navigation et de la cartographie. Si les latitudes se mesurent assez facilement (en mesurant la hauteur d'un astre au dessus de l'horizon quand il passe au méridien), la détermination de la longitude nécessite de disposer d'une horloge: on sait bien que midi dépend de la longitude. Faute d'une horloge, on ne peut rien mesurer. Plus exactement: pour mesurer la différence de longitude entre deux points, il faut mesurer la différence entre les instants de passage au méridien d'astres choisis à l'avance en chacun des deux points.
    essai
    figure 1
  • L'intérêt des éclipses des satellites de Jupiter est que, vu la distance de Jupiter à la Terre, elles s'observent au même instant d'où qu'on les regarde sur Terre (la vitesse de la lumière peut être considérée comme infinie aux échelles qui nous intéressent) : elles fournissent donc un moyen de caler des horloges, en tout point de la Terre.
  • La question se pose différemment pour un navigateur et pour un cartographe :
    • Pour un navigateur : il faut qu'il connaisse à l'avance les instants des éclipses, d'où les efforts faits dès la fin du XVIIe siècle pour calculer des éphémérides des satellites de Jupiter. Notons que c'est en constatant une irrégularité d'une période d'un an que Römer en conclura que la vitesse de la lumière était finie et en donnera une estimation. Une fois son horloge calée, le navigateur mesurera l'heure de passage au méridien d'un astre choisi à l'avance et en déduira la différence de cette heure avec le même phénomène observé en un lieu de référence (Paris, Greenwitch, Pékin, tout dépend...) et il en déduira finalement sa longitude.
    • Pour le cartographe, la question peut se poser différemment, s'il ne veut pas connaître instantanément sa position. Il pourra procéder ainsi : sur son horloge, qui n'a pas besoin d'être synchronisée avec une quelconque heure de référence (mais qui doit quand même battre le temps avec justesse), il note l'heure de l'éclipse et l'heure de passage au méridien d'un astre choisi à l'avance et il envoie la différence entre ces deux instants au centre (disons à Pékin), où la même observation a été faite. Les deux différences ne seront pas égales et on en déduira la longitude du cartographe.
Mais les problèmes posés par cette méthode sont nombreux, même pour un cartographe :
  • L'éclipse n'est pas un phénomène instantané : il existe une zone de pénombre (voir figure 2), dans laquelle le satellite s'assombrit progressivement (même si ce phénomène est court).
  • Jupiter n'est pas toujours visible et, quand il l'est, même si les éclipses sont assez fréquentes, si on ajoute le mauvais temps éventuel, on voit bien que le processus de mesure sera lent.
  • Il faut des horloges assez précises.
  • Il faut définir la direction du méridien avec précision.

essai
figure 2
Pour un navigateur, c'est encore plus difficile : il faut disposer d'éphémérides précises, et d'un garde temps. Huyghens développera les chronomètres à échappement pour en équiper les navires, sans grand succès. A terre, si on dispose d'éphémérides, la méthode est sûrement utilisable et le découvreur d'une île au milieu de Pacifique se contenterait probablement d'une précision médiocre, à la différence du cartographe. L'observatoire de Paris, sous Louis XIV, a dépensé beaucoup d'énergie sous la direction de Jean-Dominique Cassini pour développer cette méthode (mais notons que, pour la carte de la France, le même Cassini utilisera la méthode des triangles beaucoup plus précise).
En Chine, les Jésuites ont finalement utilisé la triangulation, comme en France; on peut quand même remarquer qu'il y a une erreur systématique importante pour Taiwan : comme l'île n'est pas visible depuis la côte, aurait-on dans ce cas utilisé la méthodes des éclipses ?
Un petit calcul d'erreur :
A la latitude de Pékin (environ 40 degrés), le parallèle mesure \(40000 \times \cos(\pi/2 \times 40/90) \simeq 30641 \) km. Une différence d'une heure pour le passage au méridien d'un astre correspond donc à \( 30641 / 24 \simeq 1277 \) km, et une erreur de 20 secondes sur la mesure des heures des évènements (éclipse, passage au méridien) entraînera donc une erreur approximativement égale à \( 1277 \times 20/3600 \simeq 7\) km.

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